AudioPortrait #4 – Sophie : « Pendant deux ans, je ne me rémunère pas en tant qu’indépendante. »

AudioPortrait #4

Sophie : "Pendant deux ans, je ne me rémunère pas en tant qu’indépendante ."

Sophie - Audioprothésiste
Sophie CHARPENTIER, audioprothésiste à Seignosse

Notre équipe a rencontré Sophie, audioprothésiste à Seignosse, dans les Landes, qui vient de lancer son propre centre. Après une carrière dans le transport, Sophie décide de se reconvertir dans le domaine de l’audioprothèse, avec une détermination exemplaire.

Pouvez-vous me raconter votre parcours ?

« J’ai travaillé pendant 11 ans dans le transport maritime et aérien. Puis, j’ai eu l’opportunité d’être embauchée par RipCurl, avant d’être malheureusement licenciée économique. Depuis quelques années, ça me trottait dans la tête de faire un métier plus humain. Le secteur tertiaire, le commerce, c’était bien, j’ai appris énormément de choses, mais j’avais envie de changer. On a la chance, en France, de pouvoir être aidés et rebondir. J’ai une amie audioprothésiste qui me parlait de son métier avec tellement de passion, et l’école de Bordeaux venait d’ouvrir. J’avais deux ans de droit au chômage, je me suis donné cette échéance pour avoir le concours. Comme mon bac datait de plus de dix ans, j’ai commencé par reprendre des cours du CNED pendant un an pour me remettre à niveau. Ensuite, j’ai fait une prépa pour préparer le concours. Ça a été très dur mais ça a payé. J’ai continué à beaucoup travailler quand j’ai intégré l’école, je ne pouvais pas me permettre financièrement de redoubler.  Donc c’est vrai que ça a été trois ans très intenses. Je suis retournée vivre chez mes parents, j’avais 32 ans. »

Qu’est ce qui vous a donné cette motivation ?

« J’ai cette amie qui est audioprothésiste dans le Pays Basque, Mélodie Desaunay d’Audition LabelSon, et sa façon dont elle voit le métier m’a plu, cet état d’esprit indépendant, avec une prise en charge du patient professionnelle, mais aussi très humaine. Elle a toujours mis en avant le fait qu’on fait de la santé avant tout. Je me suis sentie imprégnée de ça. J’ai fait mon stage de deuxième année chez elle, et j’ai appris énormément, aussi bien au niveau de la prise en charge que de la technique. Ça a été vraiment une expérience enrichissante. »

Et après vos études ?

« J’ai travaillé à la Mutualité Française des Landes, j’avais une assez grande liberté au niveau du travail, c’est-à-dire que j’ai pu travailler avec les fournisseurs que je voulais, de la façon dont je voulais, c’était pas mal pour démarrer et faire mes premières armes. Mais toujours avec cet état d’esprit un peu indépendant, le patient avant tout, la prise en charge personnalisée. Avec le 100% Santé, j’ai pu développer le centre où j’étais, à Peyrehorade, ça a été un vrai challenge. Il a fallu cravacher, surtout après le Covid et le confinement. Aujourd’hui, je suis à mon compte depuis peu, associée avec Mélodie Desaunay. Je suis sous enseigne Audition Conseil à Seignosse, et je travaille un petit peu aussi, en parallèle, comme salariée pour cette amie dans son propre centre. C’est vrai que c’est peut-être un petit peu atypique comme façon de faire dans le métier. J’ai cette part de salariat, qui me permet d’avoir une petite sécurité, et en même temps, j’essaie de me lancer à mon compte, je tente ma chance. »

Comment s’est passé votre passage à l’indépendance ?

« Je dirais que la plus grosse épreuve, c’est l’administratif français. Ne serait-ce que pour obtenir un numéro SIRET, il faut beaucoup de patience. Il ne faut pas hésiter à se faire accompagner par des entreprises ou des associations. Moi, j’ai été accompagnée par une association, Tec.Ge.Coop, qui m’a aidé à faire un Business Plan, par exemple. Ce n’est pas simple,  il y a des associations qui sont très compétentes. Il y aussi les fabricants qui sont toujours là pour nous aider. Quand on est sous enseigne, on est bien entouré. Chez Audition Conseil,  on a facilement des interlocuteurs très joignables.  »

Quels sont vos principaux challenges aujourd’hui ?

« Très honnêtement, pour l’instant, c’est de me développer. Même si c’est un centre qui était déjà existant depuis 2020, il faut que je me lance. J’ai fait une campagne de pub pour démarrer, j’ai essayé d’aller voir les ORL, je me présente à tous les commerçants d’à côté, les généralistes. Là, je pars du principe que pendant deux ans, je ne me rémunère pas en tant qu’indépendante. Mais alors ce qui est marrant, c’est d’avoir ces deux casquettes, salariée et indépendante. Pour être franche, quand on se lance à son compte, nos perspectives changent complètement. Dans la tête, c’est complètement différent d’être chef d’entreprise et être seul, ça fait plus de responsabilité sur les épaules, et on débranche un petit peu moins facilement. Pour le moment, je n’ai pas d’assistant.e, donc au début on est vraiment tout seul. C’est ça qui fait un petit peu bizarre quand on est indépendant et qu’on se lance. »

Qu’est ce qui vous a motivé à vous tourner vers le métier d’audio au départ ?

« J’avais un a priori parce que ma grand-mère est appareillée, je l’entendais toujours se plaindre, elle ne mettait jamais ses appareils. Quand j’ai fait mes stages, j’ai vu qu’au contraire, les patients étaient vraiment reconnaissants de ce qu’on pouvait leur apporter et c’était très positif. On apprend à les connaître, parfois il y a des feelings qui passent bien, ils ont une expérience de la vie qu’on n’a pas encore. Quand on voit nos journées, il n’y a pas une journée qui se ressemble, même s’il y a des choses qu’on fait de manière routinière. Il y a le côté technique, le côté commercial, le côté santé, relationnel.   »

Selon vous, qu’est ce que votre précédente carrière vous a apporté dans votre métier d’audio ?

« Là, on a à faire à des patients, c’est une chose à laquelle je tiens. Dans ma précédente carrière, j’avais à faire à des clients, mais la notion de service était très importante, ça m’a beaucoup apporté. La notion de satisfaction, d’anticipation des problèmes m’a amené de la rigueur et des capacités d’organisation du travail. Ce qui est très important quand on se met à son compte. Il faut être très organisé et rigoureux.  »

D’après vous, que peut apporter AudioJob dans le milieu de l’audioprothèse ?

« Je trouve ça bien qu’il y ait des plateformes comme ça qui se montent, des opportunités professionnelles, de stage, je pense que ça peut être intéressant. On est une petite profession donc je pense que c’est important d’avoir quelque chose de spécifique à l’audioprothèse.Si vous faites plusieurs portraits comme ça, vous allez montrer plein de profils différents, ça va montrer toute la diversité qu’il y a dans ce métier, ça peut amener de l’ouverture d’esprit. En tant qu’audioprothésiste, on est tous un petit peu dans notre coin et on pourrait apporter un petit peu plus d’esprit collaboratif. On est des confrères, on travaille tous pour des enseignes ou on est indépendants, mais on est tous des audioprothésistes. Ce n’est pas toujours l’enseigne qui fait qu’on travaille de telle ou telle façon. C’est ce qu’apporte le syndicat, cet esprit soudé. On est une formation, on est tout un tout.  »

Avant de finir, auriez-vous une anecdote à nous raconter ?

« J’ai eu un de mes patients en contrôle, c’est un monsieur qui va avoir 90 ans cette année. Il n’y a pas longtemps, on a eu un gros orage et la foudre est tombée sur sa maison. Ça a grillé tous ses téléphones avec amplification. Il est allé au magasin Orange dans la petite ville d’à côté, et le fait de faire le trajet jusqu’à ce magasin, ça a été le bout du monde, toute une épreuve pour lui. A la fin du rendez-vous, je lui propose une nouvelle date et il me dit « Pas le mercredi ni le vendredi, je fais de la musculation. Je m’y suis mis à la retraite. Je suis le plus vieux de la salle de sport. Les jeunes, quand ils me voient, ils sont étonnés ». Je veux bien le croire ! On a discuté et il n’y a pas longtemps, il soulevait encore 80 kilos. Quand on le voit comme ça, on ne dirait pas, mais il s’entretient. Il en parle vraiment sérieusement. Il est conscient qu’il porte un petit peu moins aujourd’hui, mais il est assidu. Il est vraiment bien dans sa tête. Il entend très mal, ce n’est pas toujours évident mais il suffit de lui parler d’haltérophilie et là ça va. Ça ne parait pas, mais je pense qu’il ne faut  pas le chercher.  »

La citation bonus de Dorra : «  Être accompagné par quelqu’un qui est déjà indépendant, ça aide énormément pour se faire conseiller, se rassurer, être rassuré.. »

photo profil Camille

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *