AudioPortrait #3 – Jehan : « Quand on demande aux audioprothésistes pourquoi ils se sont engagés dans l’audioprothèse, c’est rarement pour être des vendeurs d’appareils. »

AudioPortrait #3

Jehan : "Quand on demande aux audioprothésistes pourquoi ils se sont engagés dans l’audioprothèse, c’est rarement pour vendre des appareils."

Jehan Gutleben, audioprothésiste

Notre équipe a rencontré Jehan GUTLEBEN, audioprothésiste indépendant.

Fils d’une opticienne et d’un audioprothésiste, cette carrière s’est présentée comme une évidence. Chef d’entreprise et engagé auprès du Syndicat des Audioprothésistes, du Collège National d’Audioprothèse et mécène d’Audition Solidarité, il jongle entre toutes ces casquettes avec toujours autant de passion pour sa profession.

L’audioprothèse a toujours été votre vocation ?

« Oui, mon père est audioprothésiste et depuis tout petit il ramenait du boulot à la maison. Ça m’a plu, je n’ai pas cherché plus loin. J’ai fait l’école d’audioprothèse de Fougères à la suite du bac, en 1999. A l’époque, le Diplôme d’État se faisait en 2 ans. Ensuite, j’ai rapidement rejoint l’entreprise familiale et mon père qui exerçait seul. On a séparé l’activité d’audioprothèse des magasins d’optique de mes parents, qu’ils avaient depuis 1987. Ma mère est opticienne, et mon père a assez vite laissé tomber son métier d’opticien pour ne faire que de l’audioprothèse jusqu’à ce qu’il prenne sa retraite, il y a 7 ans. »

Pouvez-vous nous parler de vos engagements ?

« Il y a 15 ans, j’ai rejoint le réseau Dyapason, et j’ai aussi décidé de devenir mécène d’Audition Solidarité. Je le suis toujours aujourd’hui. J’ai eu l’occasion de faire quelques actions avec eux, une mission au Maroc, une mission à Paris et puis des sensibilisations en écoles de musique quand ils viennent près de Mulhouse. Enfin, depuis six ans, je suis engagé auprès du Collège National d’Audioprothèse et au sein du Syndicat des Audios. En rejoignant le SDA, j’étais membre du conseil d‘administration, et depuis 3 ans, j’ai le poste de secrétaire adjoint, donc je m’investis encore un petit peu plus dans les dossiers en cours. »

Ça consiste en quoi d’être secrétaire adjoint du SDA ?

« On échange plusieurs fois par semaine, donc très régulièrement, avec les autres membres du bureau, notamment avec les deux vice-présidents, Luis Godinho et Stéphane Gallego, et avec Brice, le président. Ce sont des sujets tels que la réingénierie du diplôme qui devrait avancer pour la rentrée de l’année prochaine, et la campagne de contrôle DGCCRF qui est en cours dans de nombreux centres d’audioprothèse parce qu’il y a plein des dérives, de fraudes qu’on dénonce régulièrement. Il y a également des sujets interprofessionnels qui sont menés avec d’autres syndicats au sein des LDS, les Libéraux De Santé, dont le SDA fait partie. Donc il y a beaucoup de choses à faire. Je sais que ce n’est pas très visible. Les confrères, qu’ils soient adhérents ou pas du SDA, voient une petite partie de ce qui se fait, par le biais des réseaux sociaux, de notre site internet, ou des communiqués de presse. Mais ce qui est communiqué, ce n’est vraiment qu’une toute petite partie. »

Qu’est ce qui vous a motivé à rejoindre le SDA à l’origine ?

« Une envie de m’investir dans la profession que j’aime. Quand on aime le métier, et qu’on aime aussi la profession en règle générale, l’évolution de la réglementation, de la formation, de la déontologie, on a envie de faire avancer les choses dans le bon sens.  Vous voyez, il y a à la fois le côté paramédical et le côté commerçant du métier. Donc on peut faire tendre la profession plus d’un côté ou plus de l’autre. Il faut trouver un équilibre entre les deux. Mais il y a clairement, avec toute la publicité qui est autorisée, une dérive à mon sens. Une dérive qui est beaucoup trop forte vers le côté commerçant. Je pense qu’il y a un gros travail à faire pour préserver autant que possible la profession, et qu’elle soit valorisante et agréable, épanouissante pour ceux qui l’exercent. Quand on demande aux audioprothésistes pourquoi ils se sont engagés dans l’audioprothèse, c’est rarement pour être des vendeurs d’appareils »

En tant que chef d’entreprise, comment trouvez-vous l’équilibre entre ce côté paramédical et à la fois commerçant du métier ?

« En restant en cabine. C’est-à-dire que je ne veux pas arrêter de prendre en charge les patients. Je suis le gérant des établissements Gutleben, j’ai une audioprothésiste salariée, et on a trois assistantes, mais je ne voudrais pas faire que de la gestion, n’être que le gérant de l’entreprise. C’est une toute petite partie du temps de la semaine et je continue à temps plein, toute la semaine, à recevoir les rendez-vous. J’ai 5 jours de semaine qui sont pleins. Et le collège, le SDA, etc. c’est le week-end, le soir, entre midi et deux, mais ce n’est pas sur les heures d’ouverture. En plus de ça, je suis aussi conventionné avec l’Institut pour Déficients Sensoriels de Mulhouse. C’est sûr que ça fait un petit peu plus qu’un temps plein, heureusement que je ne bosse pas tout seul. On est une équipe soudée, qui fonctionne bien, donc ce ne serait pas possible pour moi de faire tout ça sans l’équipe. Tout le temps que je peux trouver je le donne à tous ces engagements parce que ça me fait plaisir, évidemment. »

Quelle est la cause qui vous tient le plus à cœur aujourd’hui ?

« Pour la profession, clairement, ce serait l’instauration d’un conseil de l’ordre pour pouvoir gérer le fonctionnement de la profession, tous ensemble, de manière bien plus efficace qu’aujourd’hui. Je pense que si la profession se gérait elle-même à travers un conseil de l’ordre, comme ça se fait chez les kinés ou les infirmières, ça ne résoudrait pas tous les problèmes, mais je pense que ce serait déjà beaucoup plus efficace.  »

Est-ce que ça concerne aussi les diplômes étrangers ?

« Les diplômes étrangers, dès lors qu’ils ont l’autorisation d’exercice en France, ils peuvent exercer, c’est très bien. Avec un conseil de l’ordre, qu’on ait fait son diplôme en France ou dans un autre pays de l’Europe, on reste autorisé à exercer avec les mêmes règles pour tout le monde. Cela ne posera pas plus de problème qu’on ait fait son diplôme en Espagne ou en France. On fait le même métier, avec les mêmes règles, les mêmes contrôles et les mêmes sanctions. On a les mêmes patients et on doit tous faire du mieux possible. Après, peut être que le contenu de la formation initiale n’est pas le même pour les uns ou pour les autres, mais il peut y avoir des personnes peut être déjà très diplômées qui ont fait d’autres choses avant de se reconvertir dans l’audioprothèse, bien plus diplômées que moi, qui décident de faire leur diplôme en Espagne parce que c’est plus pratique pour eux. Et à l’inverse, ce n’est pas parce qu’on a le diplôme français qu’on est forcément bon. Donc je n’ai pas d’a priori, je pense que c’est surtout la formation continue fait qu’on sera un bon professionnel tout au long de sa carrière. »

Donc si le diplôme n’entre pas en ligne de compte, quelles sont les qualités essentielles pour devenir un bon audio ?

« Il y en a beaucoup, mais au-delà des connaissances et des compétences techniques ; d’acoustique, de psychoacoustique, ce sont des qualités humaines et, en l’occurrence, l’empathie. On passe beaucoup de temps avec les malentendants. Les malentendants viennent à contre-cœur chez l’audioprothésiste parce qu’ils ne sont jamais heureux d’être obligés de porter un appareil, et donc si on n’a pas d’empathie, c’est sûr qu’on ne pourra pas être un bon audio. »

Quelles sont les difficultés que peuvent rencontrer les audios au quotidien ?

« J’ai envie de dire, pas grand-chose ! Ce n’est peut-être pas une difficulté, mais le côté moins plaisant c’est qu’il y a beaucoup de patients qui viennent pour s’équiper d’appareillage et ils sont très accès sur l’appareil, la marque, la technologie, le fabricant parce que toute la publicité dont ils ont été abreuvés pendant les quelques années où ils hésitaient à franchir le cap, est faite pour attirer leur attention sur l’appareil auditif. Et ils sont très peu à avoir l’idée de se poser la question « Au-delà de l’appareil, qu’est que la personne qui me reçoit va me proposer comme service de réglage et de suivi à long terme ? ». On doit vraiment faire prendre conscience aux patients qui viennent pour la première fois que, peu importe l’aide qu’ils choisissent, l’important, c’est surtout comment vont se faire les réglages, les embouts, etc. Ce sont des questions qu’ils ne posent pas du tout parce que ça ne figure pas dans les publicités. Personnellement, je ne fais pas du tout de publicité sur les appareils. »

Auriez-vous une anecdote à me raconter ?

« Ça m’est déjà arrivé trois fois que des patients fassent un malaise durant un rendez-vous. Pour le dernier on a vite appelé le SAMU, mais le temps qu’ils arrivent on a un peu stressé, ne sachant pas quoi faire. En tant que professionnels de santé, on a tous une obligation de formation aux gestes de premiers secours, qui dure trois jours : je l’ai fait il y a deux semaines. Je me sens un petit peu plus serein, même si j’espère que ça ne m’arrivera pas de nouveau. Je trouve que c’est bien d’avoir cette obligation, parce qu’on ne sait jamais ce qui peut nous arriver dans le cadre du boulot ou dans la vie privée. Après il y a des rappels de formation à faire tous les quatre ans, donc les gestes de premier secours, j’encourage tout le monde à suivre cette formation.  »

La citation bonus de Jehan : « Dans une semaine, il y a 7 x 24h, ça fait pas mal d’heures qu’on peut consacrer à nos engagements »

photo profil Camille

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